How to catch a shareholder

How to catch a shareholder
Pour faire le portait d'un oiseau...... (copyright Marie-Claire Ralph)

Affaire Loyaltouch : la synthèse

Très schématiquement, LoyalTouch (ex Initiatives et développement) était à l'origine une toute petite structure, créée par apports de TPE rachetées par ses dirigeants historiques (Christian Querou, Jean de La Villardière, de Sagazan, C. Billet puis Matthieu Millet). Très rapidement, la société qui, initialement intervenait surtout dans le marketing - communication et cartes de fidélités- s'est lancée dans la vente de produits, tout d'abord les coffrets Kouro, puis dans la vente de produits bruns et blancs, via son acquisition de Global Technologie.

Cotée en bourse, elle a fait l'objet d'un buzz incessant à l'occasion de ce dernier rachat, qui lui permettait de tripler son CA. Sauf que très rapidement, les actionnaires se sont aperçus qu'il y avait un problème de clarté de l'information, et quelques uns ont lancé un mouvement de défense fin 2009, qui devait par la suite devenir le GAAPP. En parallèle, ID devenue Loyal-Touch a publié, avec la signature du cabinet Mazars, une simulation de comptes pro-forma représentant ce qu'auraient pu être ses résultats si elle avait acquis les cibles qu'elle avait en tête pour l'année suivante. Beaucoup d'investisseurs se sont fait prendre au piège, croyant qu'il s'agissait des comptes réels. D'autre part, la société a multiplié ses opérations de vente et rachat de sociétés non rentables, de créations, d'absorptions et d'échanges de structures, avec de juteuses plus-values pour les dirigeants et d'autres intermédiaires. A l'analyse, ces opérations étaient motivées par un triple but :
- brouiller les pistes, avec des modifications de noms et un organigramme en perpétuel mouvement ;
- afficher un CA de plus en plus imposant ;
- et détourner les actifs du groupe.
Avec un manque évident de volonté de rétablir les sociétés à l'équilibre, d'après les salariés qui se disaient abandonnés. Ce qui n'a pas empêché la société de monter en épingle les contrats les plus avouables et les lancements de "nouveaux produits". Alors que, à côté des gadgets, même parmi les plus potentiellement rentables, la société ne faisait rien pour concrétiser, passé l'effet d'annonces. A titre d'exemple, elle avait décroché la régie du site de fidélisation de Télé7jours, et acquis auprès de TF1 une société de vente sur Internet. Dans les deux cas, le suivi du trafic internet a prouvé qu'elle avait laissé les activités mourir de leur belle mort.

Malgré les anomalies constatées, le GAAPP a oeuvré dès sa création à faire miroiter les "résultats" et perspectives de l'entreprise, et à censurer tout avis contraire. En moins de 6 mois (entre début et mi 2010) le cours de l'action s'est effondré, et les doutes évoqués se sont révélés être exacts. En octobre 2010, le Groupe, qui "affichait" en mai de bons résultats, s'est retrouvé en liquidation judiciaire avec cessation de paiement rétroactive. En date du 1er avril pour toutes les filiales encore dans son giron (une partie ayant été cédée) et un peu plus tard pour Loyaltouch, au 25 juillet, juste après la date limite pour ne pas être déclaré en faillite frauduleuse. 200 salariés sur le carreau.

On ne connait pas le montant total de l'ardoise entre Loyaltouch, sa filiale Global Technologies elle aussi cotée en Bourse, et la branche GTS cédée à Mathieu Millet, et elle aussi en liquidation depuis peu. Mais rien que pour LoyalTouch, le liquidateur parlait d'une ardoise de 200 M€. Sans compter les pertes des actionnaires, qui ne rentrent pas dans son décompte. A cela, il faut aussi rajouter les créances de ID-future (une société cotée rachetée à Proximania qui devait fusionner avec LT et favoriser sa cotation sur le marché réglementé) et SCF, la holding initiale appartenant aux dirigeants, mais qui a servi sur la fin à rameuter des actionnaires peu enclins à investir sur Loyaltouch, dont des chefs d'entreprises ayant vendu leur société au groupe via des échanges d'actions, ainsi que de nombreux voisins de Christian Querou et Jeanne Possidoni, son épouse.

Dans les autres victimes, on peut mentionner la présence de banques et de fonds parmi les plus réputé(e)s de la place, sachant qu'une partie des fonds était obligataire. Le plus curieux est l'aveuglement dont ont fait preuve ces fonds et de nombreux actionnaires, certains oubliant tout principe de prudence, et allant jusqu'à investir la totalité de leurs avoirs sur LT. Les portefeuilles en perte de 200 à 300 K€ ne se comptent plus, tous comme les gens proches de la retraite obligés de revoir leurs projets.

Suite aux dernière péripéties de l'histoire de la société, et notamment à l'AG d'octobre 2010, où le GAAPP demandait la tête du PDG, celui-ci a abandonné ses fonctions, un CA provisoire étant nommé. Jean-François Goulon, le Président du Gaapp, s'est fait nommer quelques jours après Directeur Général de Loyaltouch, aucun des administrateurs n'acceptant la fonction. Une centaine d'actionnaires s'est désolidarisée du Gaapp en raison de son rôle trouble et de son incapacité à s'amender, et on se retrouve aujourd'hui avec trois mouvements d'actions judiciaires : le Gaapp, avec avocat Maître Brosseau, le mouvement "Salimar", avec pour avocat le cabinet Ten-France, et quelques fonds dont les obligataires, très probablement suivis par Déminor. L'ADAM, qui initialement avait été sollicitée, n'a pas donné suite à la demande de Salimar.

Dans les actions déjà menées publiquement, on a :

- une action en référé des fonds obligataires contre les trois avant derniers dirigeants (Christian Querou, Marcelo Scaglione et Christophe le Monies de Sagazan) immédiatement après la liquidation judiciaire, en vue de bloquer leurs avoirs le temps que la lumière soit faire sur l'affaire, et demandant la communication de pièces à l'ensemble des intervenants du dossier. Les fonds ont été déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens, leur "cavalier seul" en tant que créanciers et leurs demandes de réquisition de pièces ayant été peu appréciée. Ils ont conclu une convention avec Scaglione, s'engageant à ne pas le poursuivre en échange de l'abandon des indemnités auxquelles ils étaient condamnés. On ignore s'ils ont transigé de la même façon avec Christian Querou, mais il est certain qu'ils n'ont pas eu gain de cause puisque ce dernier a mis en vente sa principale propriété, qu'il avait fui pour émigrer en Californie.

- une action en référé-expertise du Gaapp, demandant presque les mêmes pièces que les fonds. Le but était d'obtenir des assignés (Commissaires aux Comptes, Cabinet Mazars, Euronext, Euroland Finance, et liquidateur représentant LT) des documents afin de pouvoir les attaquer en responsabilité (à l'exception du liquidateur). Résultat : le Gaapp a été débouté, et condamné aux dépens. Le résultat ne préjuge pas du fond du dossier, mais sanctionne là encore l'attitude de cavalier seul du Gaapp, et le recours jugé abusif à un référé alors que des enquêtes visant en partie aux mêmes buts sont en cours.

- une action en référé de la banque Léonardo, ex VP-finances, suite à un prêt de 1 M€ accordé le 13 juillet 2010 à la financière Quésa (détenue par les époux Quérou) , visant à faire valider l'exigibilité immédiate et une saisie des comptes UBS et Léonardo de Christian Querou : la banque a été déboutée par la Cour d'appel de Versailles le 26 janvier 2012.

- accessoirement une plainte contre moi et d'autres forumeurs, auprès de Euronext pour manipulation de cours et de la Justice pour diffamation. Avec retour aux envoyeurs en ce qui me concerne. Sans suite puisque je ne me suis pas portée partie civile dans les délais.

La Brigade Financière enquête sur le dossier, et n'aura probablement pas fini avant deux ans, compte-tenu de la complexité des structures et des circuits financiers (avec un volet d'évasion des fonds vers Curaçao, un paradis fiscal). Sachant qu'il n'est pas dit que toutes les banques étrangères impliquées dans la gestion des comptes du Groupe leur facilitent le travail. Et que à avril 2012, les CAC sont encore en train de plancher pour répondre à ses questionnaires.

Idem pour l'AMF : même si l'enquête aboutit rapidement, les décisions de condamnations éventuelles pour manipulations de cours et diffusion de fausses informations ne seraient probablement officialisées que vers fin 2012.

Par ailleurs, outre ces deux derniers points qui visent les dirigeants, des actions judiciaires et des négociations à l'amiable sont en cours de lancement avec les différents intervenants du dossier : CAC, Mazars, brokers, listing sponsor... Actions aussi bien à l'initiative de Ten-France que des fonds obligataires. Logiquement, le Gaapp devrait lui aussi entamer ce type de procédure.